Au cours de ces dernières semaines, j’ai longuement réfléchi à « comment conclure cette expérience de vie incroyable ». Et je n’ai pas trouvé de bonne manière, alors je vais parler de tout ce qui m’est venu à l’esprit.


Déjà, comme certains le savent, je suis une scientifique dans l’âme (et pas du tout une littéraire ^^) donc je vais commencer par les chiffres du voyage : ce voyage aura duré 357 jours sur un seul continent dans 8 pays différents (6 principaux). J’ai rencontré des gens de plus de 45 nationalités différentes. J’ai parcouru 32705 km en bus, 5679 km en stop, 2043 km en voiture, 1770 km en bateau, 3533 km à pied, 111 km en vélo et quelques km à cheval. J’ai dormi 72 nuits en tente, 13 nuits en hamac, 32 nuits en couchsurfing, 30 nuits en bus (oh mon dieu !) soit environ 5 mois dans ces « hébergements alternatifs » et le reste principalement en dortoirs en auberge. J’ai passé environ 669 heures dans des bus, soit l’équivalent de 28 jours complet, ce qui est complètement dingue (faut vraiment qu’ils améliorent leurs routes) ! J’ai dépassé 4 fois les 5000m d’altitude au Pérou et une fois les 6000m d’altitude en Bolivie. J’ai pris 68 douches froides, plus ou moins agréables selon le climat, souvent moins. Et enfin, j’ai pris 5915 photos et des dizaines d’heures de vidéos.


On me demande souvent « quel pays as-tu préféré ? », je les ai tous aimé mais c’est vrai que j’ai eu un coup de foudre pour le Chili. Il y a sans doute pleins de raisons à ça mais la principale c’est le contact humain. Au Chili, je me suis fait des amis chiliens et je me sentais intégrée dans la vie chilienne alors que dans les autres pays, ce contact a souvent été moins évident avec les locaux (même si je ne pourrais jamais généraliser car j’ai rencontré des gens géniaux partout).


On m’a demandé une fois « quel a été le moment le plus magique de ton voyage ? », là c’est carrément impossible de répondre, il y en a eu tellement… parmi les moments les plus forts il y a eu :

  • Le jour où je me suis retrouvée nez-à-nez avec un puma à Torres del Paine
  • Le jour où j’ai atteint le sommet du Huayna Potosi à 6088m d’altitude
  • Les 3 jours que j’ai passé au milieu de la forêt primaire du parc national de Manu
  • Les deux fois où je suis allée au Fitz Roy avec Angéline, Romina et Jaime, mes trois meilleurs compagnons de voyage
  • Les moments partagés avec mes proches : le majestueux glacier Grey à Torres del Paine avec mon papa, l’immensité des Chutes d’Iguazu avec ma maman et l’amazonie bolivienne avec Anais
  • Le trek de Huayhuash, qui fut le meilleur trek de mon voyage
  • La lenteur de la descente du fleuve Amazone en bateau
  • Le jour où j’ai nagé avec du plancton luminescent à Mucura


Parmi les moments les plus fun, il y a eu la descente du volcan Villarica en luge, tous mes trajets en stop que j’ai vraiment adoré, la semaine du nouvel an à Valparaiso, la descente en radeau du rio en Amazonie avec Anaïs…


Bon voilà, ça c’était le bilan classique…et un voyage d’un an comme ça, c’est bien plus que des chiffres ou des beaux paysages alors je vais parler beaucoup plus sérieusement de ce que j’ai vécu et ce que j’ai ressenti.


Un an de vacances, quelle chance !

Ce que je viens de vivre ne ressemble pas à des vacances selon moi. Des vacances, c’est quand on travaille et qu’on pose des congés pour aller se reposer/se changer les idées. Mon voyage, ce n’était pas des vacances car c’était tout simplement ma vie, une nouvelle manière de vivre pour moi, une vie nomade, que beaucoup ne considère pas comme normale, car elle n’implique pas une sédentarité et une routine où le travail (et le salaire qui va avec) ont une place centrale. Ma vie a donc changé du tout au tout entre aout et septembre 2016 car « la chance » je l’ai provoqué en quittant mon confort, ma routine et mon travail pour m’envoler vers l’inconnu toute seule avec mon sac à dos. Cela n’a pas été facile de sauter le pas et j’en serais reconnaissante chaque jour aux personnes qui m’ont encouragé à ce moment-là.


Je ne m’estime pas chanceuse envers les autres en général car je pense que je me suis donnée les moyens de réaliser ce rêve et je pense aussi que tout le monde peut le faire (si l’envie est là). J’ai rencontré des gens qui étaient partis avec 1000€ et qui voyageaient depuis plus de six mois, j’ai rencontré des gens qui étaient malades et qui étaient partis depuis plusieurs mois (comme cet allemand diabétique qui se trimballait sa petite glacière avec ses injections d’insuline depuis 10 mois ou ce jeune français qui avait eu un AVC auparavant et qui voyageait en sac-à-dos), j’ai rencontré des familles qui voyageaient par exemple avec 4 enfants en bas âge pendant un an… bref, je pense que tout est possible tant qu’on s’en donne les moyens, et je reste très admirative de toutes ces personnes qui m’ont montré que rien n’était impossible. En revanche, je m’estime extrêmement chanceuse d’être née en France car on a l’un des passeports les plus puissants du monde, c’est-à-dire qu’on peut aller dans énormément de pays sans avoir besoin d’un visa et puis bien évidemment car on a un niveau de vie très élevé et que du coup quand on voyage en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-est, on est confronté à des niveaux de vie au moins 4 fois inférieur au notre (sauf en Argentine et au Chili, là on est tout de suite calmé). Cela signifie bien sûr que pour un péruvien par exemple, faire ce que j’ai fait est beaucoup plus difficile, car il ne pourra jamais travailler trois ans et mettre des sous de côtés pour aller un an en Europe. La plupart d’entre eux ne gagnent même pas en 3 ans ce que j’ai dépensé pendant mon voyage.


La vie de mochilera (voyageuse en sac à dos), c’est principalement avoir l’esprit ouvert, savoir s’adapter et savoir dépasser ses limites. Chaque jour, on fait face à un environnement qui nous est totalement inconnu : de nouvelles personnes, une nouvelle langue (et encore dans le cas de l’Amérique du Sud, on s’en sort bien avec seulement l’espagnol et le portugais), une nouvelle culture, une nouvelle ville, un nouveau climat, de la nourriture inconnue… une perte de repères permanente qui est contraire à la vie que je menais jusqu’à présent, et qui n’est pas toujours évidente.


Au début, on est un peu perdu puis petit à petit on s’habitue à peu près à tout. On s’habitue à arriver dans une ville que l’on ne connait pas et à repérer rapidement un endroit pour dormir, le terminal de bus, les supermarchés/marchés. On s’habitue à dormir dans à peu près toutes les conditions, que ce soit dans un dortoir de 10 personnes où la moitié ronfle à fond les ballons, dans un bus en Bolivie qui met 12h pour faire 300km tellement la route est pourrie ou encore dans une tente quand il fait des températures négatives et qu’il pleut des trombes dehors. On s’habitue à manger ce que l’on peut, souvent cela consiste plus à s’alimenter qu’à un plaisir (c’est sans doute la partie la plus difficile pour les français). On s’habitue à vivre avec presque rien, autant matériellement que financièrement, et on s’habitue à ce que le plus important ce soit d’avoir un toit pour dormir, de manger et d’être heureux, ce qui en général passe par des échanges humains très riches. On s’habitue à ne pas savoir où l’on sera le lendemain et à avoir un futur totalement imprévisible et donc à vivre au jour le jour, à profiter de l’instant présent plus que de penser au passé ou au futur. On s’habitue à rencontrer de nouvelles personnes chaque jour, à aller parler à tout le monde sans complexe, à partager 10 minutes d’échanges avec quelqu’un ou alors une journée, une semaine, un mois. En revanche, on ne s’habitue jamais à dire au revoir à toutes ces personnes qui ont croisé notre chemin et qui seulement par une phrase auront changé quelque chose de notre manière de voir le monde pour toujours.


Les paysages époustouflants : oui mais…

En effet, j’ai vu des paysages incroyables, probablement parmi les plus époustouflants de la planète, mais étonnement ce n’est pas du tout ce que je retiens le plus de mon expérience. Je comprends que c’est ce qui fasse le plus rêver les gens car c’est la surface visible de mon voyage à travers les photos et vidéos.


Ce que je n’oublierais jamais, qui ne se prend pas en photo, ce qui m’aura touchée et profondément marquée, ce sera l’humain et le partage. Ce voyage m’aura littéralement redonné foi en l’humanité.


J’ai quitté mon pays à un moment où le sentiment de peur de l’autre prenait le dessus sur tout. Les gens ont peur des autres, ne s’adressent presque plus la parole, on se renferme. Si quelqu’un te dit bonjour dans la rue, tu trouves presque ça bizarre et tu te demandes ce qu’il te veut. Dans le métro, cela ne te vient pas à l’idée de parler à ton voisin, qui de toute façon a des écouteurs ou regarde son téléphone portable. Une société où l’entraide et le partage sont devenus rares (surtout dans les grandes villes), car quand on donne, on attend souvent quelque chose en retour et s’il n’y a rien en retour, on trouve ça bizarre aussi. Et puis je suis arrivée en Amérique latine, je me suis foutu un coup de pied pour m’ouvrir réellement aux autres, quel que soit l’endroit d’où ils viennent, quel que soit leur culture, en dépassant tous les préjugés que je pouvais avoir (et contrairement à ce que je pensais, j’en avais beaucoup). Et ce fut le plus beau cadeau de mon voyage, redécouvrir le bonheur que représente le partage et l’échange, sans jamais n’attendre rien en retour. A tous les gens qui ont partagé des moments de leur vie avec moi sans retenue, des discussions sur tout et rien, qui m’ont expliqué leur culture et leur manière de voir les choses, qui ont partagé leur savoir, qui m’ont ouvert les portes de leur maison, qui m’ont offert une place dans leur voiture, qui ont partagé un repas, un biscuit…tout ça, pour le simple plaisir de partager… je vous serais éternellement reconnaissante (et vous êtes tous les bienvenus en France) !


Le budget d’un voyage d’un an

Ce qui intéresse beaucoup de monde, c’est de savoir comment ce type de vie est possible financièrement. Il y a autant de réponses que de personnes et que de style de voyages. C’est sûr que si on imagine un budget de vacances de deux semaines habituelles et qu’on ramène cela à un an, c’est astronomique, mais la différence est énorme et c’est là où la réalité d’un voyage au long cours est difficile à imaginer.


Pour ma part, pendant que la plupart des gens m’imagine en voyage à me relaxer et à siroter des cocktails (ce qui était assez vrai pour mon dernier mois en Colombie), j’ai fait un voyage à petit budget en oubliant souvent mon confort afin de garder mon budget pour réaliser mes plus grands rêves. Je ne me plains pas, tout ce que j’ai fait représentait le style de voyage que je souhaitais mais il faut reconnaître que c’est pas toujours marrant et que beaucoup de monde ne le supporterait pas, surtout pendant un an.


J’ai donc principalement ciblé mes économies sur l’hébergement en oubliant totalement mon confort et en dormant en dortoirs, en tente, en hamac…parfois dans des conditions précaires, mais je m’en foutais tant que j’avais un lit et un toit ! Côté nourriture, ce fut incontestablement le plus dur, car manger à petit budget, c’est souvent manger au marché dans des pays comme le Pérou, la Bolivie ou l’Equateur et bien que la quantité soit satisfaisante, la qualité et le plaisir de manger le sont rarement. J’ai aussi beaucoup cuisiné pour manger « mieux et moins cher » mais difficile des trouver des bons produits et surtout quasiment impossible de cuisiner des trucs sympa dans les cuisines souvent pourries des auberges de jeunesse (je ne parle même pas de toutes les fois où l’on a cuisiné avec mon petit réchaud). Enfin, concernant les transports, j’ai souvent pris des bus de nuits pour faire quelques économies et parce que cela passe plus vite et puis j’ai également fait pas mal de stop en Argentine et au Chili, mais ça c’était vraiment génial !


Voyager seule

Pour moi, cela faisait partie intégrante de mon rêve de partir seule, pour pouvoir plus me bousculer et aussi pour avoir une liberté maximale. Et si c’était à refaire, je repartirai seule de nouveau, il n’y a pas eu une seconde où je l’ai regretté et ce pour plusieurs raisons. On n’est jamais vraiment seule en voyage, on rencontre des gens tous les jours et d’ailleurs on rencontre beaucoup plus de monde quand on est seule que quand on est accompagnée, tout simplement parce que quand on est seule on est ouvert aux rencontres alors que quand on est plusieurs, on n’a pas forcément besoin de parler aux autres. En réalité, je crois que je n’ai pas passé une seule journée sans parler à quelqu’un, et il y a même eu des moments où je cherchais un peu la solitude ! Cela m’a aussi permis de suivre ma route selon mes envies et mes rencontres (d’où mon itinéraire final un peu bizarre) et puis d’apprendre l’espagnol plus rapidement que si j’avais été accompagnée.


Je ne me suis jamais sentie en insécurité parce que j’étais seule, et bien au contraire, j’ai trouvé que voyager seule quand on est une fille était très facile. Justement parce que vous êtes une fille, la plupart des gens sont bien plus attentionnés. Il ne m’est d’ailleurs absolument rien arrivé : aucun vol, aucune agression… rien du tout. Il y a en fait pas mal d’avantages à être une fille, par exemple, je n’ai jamais eu de mal à trouver des couchsurfing et le stop marche hyper bien…alors que les garçons, personne ne culpabilise de les abandonner sur le bord de la route ! ahahah les pauvres ! En réalité, j’ai été très impressionnée de découvrir qu’il y avait plus de filles qui voyageaient seules que de garçons…nous sommes à priori plus indépendantes et plus téméraires !


Il y a des inconvénients à voyager seule c’est certain. Une des choses qui m’a parfois pesé est de n’avoir personne sur qui me reposer quand j’étais fatiguée de devoir tout gérer (où je dors, où je mange, comment je fais pour aller là-bas…), heureusement mes compagnons de voyage ont joué ce rôle-là de temps en temps et j’ai pu me laisser porter ! Ce qui m’a également pesé est d’avoir été seule à assurer ma propre sécurité, c’est fatiguant car on ne peut absolument jamais relâcher sa vigilance. Enfin, la dernière chose que je redoute après avoir fait ce voyage seule, c’est le retour et mon incapacité à expliquer ce que j’ai vécu. J’ai des souvenirs avec des centaines de personnes mais je n’ai pas une personne qui sait tout ce que j’ai vécu et qui pourra me comprendre d’un simple regard (même si ma petite Angéline comprendra tout quand même !).


Voyager longtemps : ce que ça a changé pour moi

J’ai appris à vivre avec pas grand-chose, ce qui représente une vraie leçon de vie, car je suis née dans un milieu doré où je n’ai jamais eu à me soucier de manquer de quoi que ce soit. J’ai donc appris à vivre avec une vingtaine d’euros par jour, absolument tout compris, et à me concentrer donc sur l’essentiel : manger et dormir. J’ai aussi appris à vivre avec un sac-à-dos (enfin deux) d’environ 16 kg incluant une tente, un matelas, un duvet, un ordinateur, mon appareil photo et autant vous dire, vraiment pas beaucoup de vêtements et pas grand-chose d’autre. Et bien le constat final, c’est que jamais rien de matériel ne m’a manqué, j’étais la plus heureuse du monde avec mes deux leggings et mes 5 tee-shirts. Ce qui manque énormément, c’est tout ce qui n’est pas matériel, c’est évidemment la famille et les amis qui manquent beaucoup et puis les plaisirs de la vie confortable que nous avons en France donc on perd conscience tant on y est habitué : avoir une alimentation de qualité, prendre une bonne douche bien chaude avec de la pression, pouvoir boire l’eau du robinet sans réfléchir, se sécher avec une vraie serviette moelleuse (et non pas une horrible serviette en microfibre !) etc.


Tout ça pour dire qu’avec ma vingtaine d’euros par jour et mon sac-à-dos, je n’ai jamais manqué de rien et cela m’a amené encore plus à réfléchir sur la société de consommation dans laquelle nous vivons. Je me demande encore plus qu’avant comment nous remplissons des maisons entières d’un nombre de choses inutiles et qu’on croit pourtant indispensables. Comment pouvons-nous acheter tant de vêtements, de chaussures…et les jeter presque aussi vite pour en racheter d’autres. J’ai appris à coudre pendant mon voyage et à me débrouiller pour réparer tout ce qui a pu se casser, moi qui ne savait rien faire de mes 10 doigts, j’ai eu quelques petits moments de fierté. Ce qui fait qu’après un an, je rentre avec presque exactement les mêmes choses qu’avec lesquelles je suis partie, malgré une utilisation très intensive. Un exemple qui m’a vraiment frappé, c’est les enfants. En France, quand un enfant naît, il s’en suit un nombre d’achats coûteux inimaginable et surtout des montagnes de jouets alors que dans d’autres pays : quelques vêtements, un bout de tissu pour le porter et basta. Je comprends que la plupart de ce que nous achetons améliore notre confort, mais ce que je pense aussi c’est qu’il y a une pression sociale à offrir le meilleur à son enfant et beaucoup de culpabilité dans le cas contraire. Et pourtant, les enfants en Bolivie ne sont pas plus malheureux que ceux de France, ils jouent avec trois fois rien et ils rigolent tout autant, et puis surtout, ils ne font jamais de crise (ce qui est relativement impressionnant dans les transports, imaginez un enfant dans un bus de 24h qui remut dans tous les sens, ils ne pleurent presque jamais…).


J’ai aussi eu l’occasion d’un vrai challenge personnel sans le vouloir : la perte de mon téléphone. Jamais je ne me suis imaginée vivre sans téléphone pendant plus d’un mois, je me pensais accro. Les 2/3 premiers jours furent un peu bizarre puis j’ai senti une immense liberté par la suite, enfin j’étais vraiment déconnectée. Les seules choses qui m’ont vraiment manqué de mon téléphone sont la fonction réveil et la fonction lampe, comme quoi, pas grand-chose. Et pourtant, nous n’avons presque plus le choix, nous devons vivre avec un téléphone, sans quoi par exemple on ne peut pas payer avec sa carte de crédit. Ma banque m’a indiqué qu’il n’y avait pas d’autres moyens que d’avoir un téléphone pour recevoir le code de sécurité qui permet d’effectuer des achats sur internet, j’étais donc bloquée pour ça, et ce n’est pas le seul exemple. C’est difficile de sortir un peu du système !


Bref, je crois vraiment que tout cela ne nous rend pas plus heureux, loin de là, on nous crée des dépendances à tout un tas de choses inutiles qui nous prennent un temps fou et c’est bien dommage. Je ne dis pas que je vais sortir de la société de consommation et que je vais devenir totalement hippie, ce ne sera pas le cas, je vais continuer à acheter quelques trucs de temps en temps, parce que ça fait plaisir ou parce que c’est confortable mais c’est certain que je ferais encore plus attention qu’avant et que je réfléchirai à deux fois avant de faire des achats compulsifs et totalement inutiles. D’ailleurs maintenant quand j’imagine un centre commercial ou un immense supermarché, ça me fait presque peur, il va falloir faire une réadaptation de ce côté-là.


Pendant cette année de voyage, j’ai aussi découvert ce que cela faisait d’être coupée des médias, qui plus est en pleine année électorale. Je n’ai pas vu de télé depuis un an (LE BONHEUR !) et j’ai donc eu l’opportunité de choisir l’information que je souhaitais avoir (oui, parce que j’ai quand même continué à rester informée), ce qui m’a fait me rendre compte à quel point les médias avaient un rôle crucial dans le pessimisme et le climat de peur qui règne actuellement en France. On nous bassine toute la journée avec les mêmes horreurs alors forcément, ça fait effet au bout d’un moment. Un exemple banal (parce que je n’ai pas envie de parler des sujets sensibles), la Colombie vue depuis la France et les médias français = FARC + NARCOTRAFIC, rien d’autre. D’ailleurs, quand tu dis aux gens que tu vas en Colombie, les gens pensent que tu vas te faire enlever par un cartel de la drogue/une guerilla ou alors que quelqu’un va te mettre de la drogue dans ta valise. La Colombie en vrai, certes ce n’est pas tout rose, mais c’est juste tellement plus que les guerillas et la cocaïne, c’est aussi la tranquillité, la joie de vivre et le sourire des colombiens, la salsa, le café, la musique partout... Et puis les médias parlent de ce qu’ils ont envie, quand la Bolivie connait une sécheresse monumentale et que plus personne n’a d’eau depuis une semaine, tout le monde s’en fout. Il est grand temps qu’on éteigne un peu notre télévision, qu’on prenne un peu de recul sur tout ce que l’on nous raconte et qu’on réapprenne à vivre tous ensemble.


Un autre sujet qui m’a donné beaucoup à réfléchir, c’est à quel point nous vivons dans une société où l’apparence est fondamentale. Le jugement des gens sur leur apparence est très présent, qu’on le veuille ou non. Il faut être mince, sportif, jeune, bien habillé, bien coiffé, bien maquillé… Ce n’est pas tant l’Amérique du Sud qui m’a ouvert les yeux sur ce sujet, parce que l’apparence compte également beaucoup dans la plupart des endroits (oui, pas dans les villages au fin fond des Andes, mais dans les villes c’est pareil), c’est juste les standards de beauté qui sont un peu différents mais ça revient au même. Non, ce qui m’a ouvert les yeux, c’est d’avoir vécu un an sans me préoccuper de ça, non seulement parce que je n’ai pas la place dans mon sac-à-dos de me trimballer des jolies fringues ou du maquillage mais aussi parce que cela a ajouté une énorme part de liberté à mon voyage. J’ai donc vécu un an sans jamais aller chez le coiffeur ni même faire vraiment l’effort de me coiffer, sans jamais me maquiller, sans jamais mettre de vernis à ongles ou de bijoux, en étant habillée avec les mêmes vêtements tous les jours (le combo sexy du legging/chaussures de rando). Je n’ai pas vu de balance depuis un an et je n’ai donc jamais su si j’avais maigri ou grossi (même si je pense plutôt pour la seconde option à vue d’œil lol). Et qu’est-ce que cela m’a apporté : un gain de temps, des économies et surtout un bien-être immense ! Ma peau, mes cheveux, mes ongles ne se sont jamais aussi bien portés que depuis que j’ai arrêté de leur mettre des tonnes de produits dessus, je me demande même à quoi ça sert l’après shampoing, la crème hydratante et toutes les autres conneries de crèmes qu’on nous vend ! En fait, je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau que cette année, au naturel avec mes vêtements moches et pas féminin (OK, les latino-américains et leurs tonnes de compliments quotidiens y sont peut-être un peu pour quelque chose ahah). Blague à part, je me trouve désormais jolie sans maquillage, je m’en fou d’avoir un peu grossi ou non tant que je me sens en forme, j’ai l’impression d’avoir retrouvé Amélie, la personne que je suis et non pas la décoration que j’ai presque toujours été. J’ai eu l’impression que l’absence totale d’artifice, et ce chez la plupart des voyageurs au long court, a rendu mes rencontres beaucoup plus naturelles et moins superficielles. On est tous mal habillés, tout le monde s’en fout, ce qui compte, c’est ce qu’on a à raconter, à échanger, c’est la personne que l’on est et non pas ce à quoi l’on ressemble. Et pire pour moi, j’ai même parfois eu l’impression en repensant à avant que je me cachais derrière tous ces artifices juste parce que je n’avais pas confiance en moi et qu’au final, ce n’était pas moi que je montrais aux gens mais une version pseudo améliorée et falsifiée. Bref, une vraie révélation. De même que pour la société de consommation, je ne vais pas arrêter de m’habiller bien, de me maquiller, j’ai toujours été coquette et probablement que je le resterai parce que c’est aussi agréable mais j’espère ne plus jamais oublier à quel point le naturel est essentiel.


Dans le même registre de la confiance en soi, ce voyage m’a fait pousser des ailes. J’ai découvert à quel point on pouvait presque tout accomplir tant qu’on croit en soi et qu’on s’en donne les moyens. Jour après jour, j’ai appris à faire de nouvelles choses, j’ai repoussé mes limites. Moi qui y a deux ans avait souffert le martyre pour arriver jusqu’au Machu Picchu (une belle montée d’une heure lol), je me suis lancée dans des treks en totale autonomie de plusieurs jours avec un sac d’une douzaine de kilos sur le dos, j’ai fait l’ascension d’une montagne à plus de 6000m… Moi qui ait toujours été plus cérébrale que manuelle, j’ai découvert que je savais faire pleins de chose avec mes petites mains : de la couture, du dessin, construire des choses, réparer des choses… Je me sens capable d’accomplir tellement de choses maintenant que je ne me dis plus « tu n’y arriveras pas » ou « tu ne sais pas faire », j’essaie, j’apprends, et je sais que si j’ai vraiment envie j’y arriverais, même si ça doit prendre du temps et que je dois m’y reprendre à plusieurs fois.


Ce voyage m’a également réappris à vivre, ou plutôt à prendre le temps de vivre. Le temps, c’est un vrai sujet dans nos sociétés occidentales où il faut que tout aille toujours plus vite. Nous n’avons jamais le temps de rien, nous sommes toujours débordés. Vous me direz « oui, mais tu ne travaillais pas, donc forcément que tu avais le temps de vivre ». Ce n’est pas du tout ce que je veux dire, je veux parler de prendre le temps de faire les choses bien ou même de ne rien faire du tout, de profiter de l’instant présent, de s’accorder du temps pour soi, du temps pour penser, rêvasser, s’ennuyer parce que c’est essentiel à notre bien-être et qu’on l’oublie de plus en plus. Je pense que dans mon cas, je me sentais débordée en France, certes parce que je travaillais beaucoup, mais surtout parce que je perdais mon temps à beaucoup de choses inutiles (à commencer par la télé, les réseaux sociaux …) et que je ne me libérais pas assez de temps pour rien faire et rêvasser. J’ai donc appris à ralentir le rythme et à m’écouter. Oui, parce que même quand on voyage on est pressé parce qu’on veut tout voir et tout faire, sauf que ça ne sert à rien et cela n’apporte rien, on finit épuisé rapidement et on profite de moins en moins. Ça m’est arrivé souvent au début de ne pas avoir envie de faire telle ou telle chose en me levant le matin et de le faire quand même parce que « c’est vraiment un truc à ne pas rater ». Puis j’ai appris à m’écouter et à ne pas culpabiliser de rester une journée (ou plus) à ne rien faire de spécial parce que j’avais besoin de ce temps pour apprécier l’endroit, pour vivre l’instant présent sans faire quoi que ce soit de particulier et pour digérer tout ce que je découvrais chaque jour. Les longs trajets en bus ont été globalement des vrais instants de bonheur pour moi parce que j’ai toujours eu l’impression qu’on m’offrait du temps pour lire, penser, rêver, dormir, me relaxer, admirer le paysage…d’ailleurs tout ce que je suis en train d’écrire vient de mes nombreuses réflexions pendant mes centaines d’heures de bus.


Je pense que j’ai aussi eu besoin de m’accorder beaucoup de temps pour penser pendant ce voyage car c’est beaucoup d’émotions qui se mélangent. On n’est pas dans une routine où l’on est habitué à presque tout, tout est nouveau alors tout ce qu’on ressent est multiplié par 10 en intensité. J’ai donc été majoritairement très heureuse, très épanouie, excitée par tout ce que j’ai pu vivre. J’ai été très touchée par certaines personnes ou très émue à certains endroits. J’ai pleuré de joie ou d’émotions à de nombreuses reprises tellement c’était fort. Mais il ne faut pas croire que tout est tout rose parce qu’on est en voyage et qu’on voit les plus beaux paysages du monde. Les problèmes ne disparaissent pas sous prétexte qu’on a quitté son pays, on emmène ses petits soucis avec soi ! D’ailleurs, beaucoup de gens partent voyager pour « oublier/fuir » leurs problèmes et je ne crois pas que ce soit une bonne idée, je pense qu’il vaut mieux être bien dans ses baskets en partant pour profiter de l’aventure au maximum. D’autant plus que la vie est pareil partout, qu’on soit en voyage en Amérique du sud ou chez soit en France, il y a des jours avec et des jours sans. Sauf que les jours sans ou les mésaventures sont beaucoup plus difficiles à encaisser quand on est tout seul au bout du monde. J’ai connu des moments vraiment pas marrants cette année et globalement j’ai dû les affronter toute seule pour plusieurs raisons : soit parce qu’on ne veut pas inquiéter sa famille et ses amis (qui nous ne serons d’aucune utilité s’ils nous stressent encore plus), soit parce que c’est compliqué d’expliquer ce que l’on ressent, j’entendais déjà les « de quoi tu te plains, tu es en voyage au bout du monde, ça fait rêver ! ». Heureusement, une de mes plus grandes qualités est de savoir m’entourer de gens bien et le voyage n’a pas fait exception à la règle, j’ai eu des compagnons de voyage exceptionnels qui ont vraiment su être là dans les mauvais moments (merci mille fois !). Ce qu’il en ressort, c’est que je reviens plus forte, avec une meilleure capacité à relativiser et à rester calme face à des situations difficiles. Bon et puis, j’ai surtout été très heureuse alors toute l’aventure reste bien sur extrêmement positive !


Et après tout ça, vous vous dites « wouah elle a changé », et bien je ne crois pas vraiment. En fait, je pense même qu’on ne change jamais vraiment mais qu’on évolue. Je suis toujours la même personne, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts (oui, je vais encore râler en rentrant !), j’ai juste un peu évolué, j’ai appris à plus croire en moi, j’ai beaucoup appris à relativiser et j’ai plus d’esprit critique sur ma manière de vivre.


Réchauffement climatique et Bilan carbone

Le réchauffement climatique est un sujet dont on parle de plus en plus. On se rend bien compte que les saisons, c’est un peu n’importe quoi en France, mais je ne pensais pas être confronté, en 2017, à autant d’exemples réels de l’impact du réchauffement climatique. Je me suis pris quelques claques :

  • J’arrive à Cusco au Pérou, où j’étais déjà allée en 2015, et tout le monde parle de la « Rainbow mountain », une montagne multicolore magnifique… je n’en avais jamais entendu parler un an auparavant. Je m’y rends et je demande « pourquoi c’est nouveau ? », ce n’est pas nouveau, c’est juste que le réchauffement climatique fait fondre la neige et qu’on peut désormais voir la montagne et ses couleurs presque toute l’année.
  • J’arrive à La Paz en Bolivie et je vois dans mon guide datant de 2008 qu’il y a la plus haute piste de ski au monde, plus de 5000m d’altitude, je me dis « cool ! ». Je vais voir une agence, il me regarde étonné : « mais ça n’existe plus, ça fait un moment qu’il n’y a plus de glacier là-bas ».
  • Toujours à La Paz, quand je suis arrivée, il n’y avait plus d’eau depuis une semaine, les gens manifestaient avec des seaux dans la rue, récupéraient de l’eau dans les fontaines de la ville…la principale cause de cette sécheresse est la fonte des glaciers qui disparaissent les uns après les autres (à des altitudes dépassant pourtant les 5000/6000m).


Voyager, c’est devenu tellement facile, mais pourtant ce n’est pas sans conséquence sur l’environnement. Mon voyage a été loin d’être parfait écologiquement mais au moins c’est un sujet que j’ai toujours pris en compte dans mes choix et j’aurai eu le mérite d’essayer de faire le mieux possible. Je ne vais pas parler des déchets liés au tourisme, de la maltraitance animale (balade à dos d’éléphants…) ou des autres impacts mais seulement des émissions de CO2.


Je m’étais engagée avant de partir à ne prendre l’avion que pour deux raisons : traverser les océans et pour ma sécurité. L’avantage d’être restée sur le même continent c’est que cela a nettement diminué le nombre d’avions que j’ai eu à prendre. J’ai aussi oublié tout séjour dans les îles (Galapagos, Ile de Pâques, Archipel de San Andres) pour éviter l’avion. Au final, j’ai pris 4 fois l’avion : une fois pour arriver en Amérique du Sud, une fois pour en partir, une fois pour aller de Buenos Aires à Iguazu (car il y avait ma maman et les 20h de bus n’était pas une option envisageable) et enfin une fois pour aller de Leticia à Bogota en Colombie (car il n’y a pas de route et que de toute façon, c’est une zone contrôlée par les guérillas). J’ai rencontré tellement de voyageurs qui n’avait que deux critères pour les transports : le temps et l’argent. Et autant vous dire que ça finit souvent en avion parce que les distances sont immenses, les routes pas géniales et que le prix de l’avion est vraiment abordable. Quand on a deux semaines de vacances, évidemment, ça fait gagner un temps fou, mais quand on a plusieurs mois, on peut se permettre de choisir un moyen de transport plus lent et plus écologique. Les rois du voyage écologique, c’est ceux qui voyagent à vélo ou à pied, je suis très admirative…mais bon, je ne suis pas prête pour ça encore, alors j’ai juste fait « le moins pire possible » avec les bus et le stop.


Je m’étais aussi engagée à faire le bilan carbone de mon voyage et à compenser la totalité des émissions que je n’aurais pas pu éviter. J’ai émis cette année environ 13,5 tonnes de CO2 (c’est énorme) dont 5,5 imputable uniquement à mon vol aller-retour. J’avais déjà compensé 5 tonnes avant de partir et je compenserai le reste en rentrant. Pour cela, j’ai choisi la Fondation Goodplanet, car c’est une ONG reconnue et aussi surtout car les projets de réduction d’émissions carbone qu’ils réalisent sont basés au Pérou et en Bolivie.


J’ai aussi proposé au fondateur du site Travelmap, qui héberge mon blog, de créer un calculateur d’émissions CO2 pour que chaque voyageur utilisant le site puisse se rendre compte de l’impact que représente un voyage. Cette fonctionnalité est en cours de développement et j’espère qu’elle verra le jour.


Et la France dans tout ça ?

Beaucoup me disent « tu ne rentreras jamais en France ! ». Et bien sur ce coup-là, détrompez-vous, il n’y a pas un jour de ce voyage où je ne me suis pas dit « nous avons vraiment de la chance et nous avons un pays absolument magnifique ». Alors que la plupart des voyageurs font des lettres d’amour à tel ou tel pays, et bien moi j’ai envie de dire à la France combien je l’aime !


Pour moi, le seul problème qu’on a, c’est que les français, on passe notre temps à râler, à être pessimiste et qu’on ne se rend pas du tout compte de la chance que nous avons ! Mais mon pays m’a tellement manqué, surtout sur la fin, que je me dois de rappeler à tous ceux qui l’aurait oublié à quel point notre pays est génial !


Déjà, la France, ça fait rêver le monde entier, tout le monde adore les français (même s’ils sont un peu lassés parce qu’on est tellement nombreux à l’étranger que ce n’est pas très exotique de croiser un français), la plupart des gens rêvent de mettre un jour les pieds en France et de monter en haut de la Tour Eiffel. Beaucoup de monde rêve également d’apprendre le français car c’est une langue magnifique. La vérité, c’est que notre histoire et notre culture fascine beaucoup à l’étranger, nous sommes le pays des droits de l’homme, nous sommes le pays de la Révolution…bref, un petit pays mais avec un rayonnement international !


Un petit pays, oui, mais une diversité de paysages éblouissantes ! La mer méditerranée, la côte atlantique, les alpes et son merveilleux Mont-Blanc, toit de l’Europe, les Pyrénées, l’Auvergne, les gorges du verdon…et je ne parle pas de la Corse, un des plus beaux endroits au monde (et encore moins du fait qu’on dispose de terres partout sur cette planète entre la Réunion, les Antilles françaises, la Guyane, la Polynésie française…). Un patrimoine historique exceptionnel : des châteaux en veux-tu en voilà, des villes fortifiées magnifiques (Carcassonne), des villages anciens aux charmes ravageurs… Nos villes sont également de toute beauté. Je peux vous dire que quand on visite des villes en Amérique du sud, ça fait globalement pâle figure comparée à nos villes françaises et plus généralement aux villes européennes.


Et puis évidemment, je vais parler de notre gastronomie. Deux français qui se rencontre en voyage passent environ 50% de leur temps à parler de bouffe, c’est dire si c’est un sujet sensible et que le manque est grand ! Imaginez-vous manger tous les jours pendant un an le même plat : poulet-riz-patate (j’exagère un peu mais pas loin) …la souffrance absolue ! Et on me demande « c’est quoi la spécialité culinaire en France ? »…euh, c’est pas ça la bonne question mais « c’est quoi la spécialité culinaire de ta région/ville ? », il y en a tellement ! Nous avons une gastronomie exceptionnelle et surtout, encore plus important, nous trouvons des produits de qualité en France (et ça s’améliore de jour en jour avec l’augmentation de la production bio). Notre musique et notre cinéma s’exporte également très bien. J’ai découvert avec joie que l’un des films français préféré des latinoaméricains était « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ».


Je voudrais aussi souligner à quel point nous avons une vie confortable. Le climat français est agréable, non seulement car nous avons des saisons et que c’est donc variable mais également car ce n’est pas un climat extrême (je pense par exemple aux boliviens qui vivent sur l’atiplano où il fait facile un bon -15/-20 la nuit en hiver voire beaucoup moins…tout ça sans chauffage bien sûr ou encore aux gens qui vivent en Patagonie…). Nous avons des infrastructures de qualité : on râle quand on met 5h pour faire 250km à cause des bouchons mais en Bolivie, on peut mettre 5h pour faire 40km, alors merci les autoroutes (oui je sais, c’est cher, tout ça tout ça mais faut reconnaître que c’est quand même cool!), sans parler de la sécurité de nos routes et de nos transports en général (j’ai une petite pensée pour Anaïs à qui j’ai fait vivre le pire trajet de mon voyage, une belle route bien étroite de 400km à flanc de falaise et évidemment non asphaltée…). Et puis, cela nous parait tout à fait normal mais nous avons tous chez nous l’électricité, l’eau courante (qui en plus est potable) et le chauffage. L’autre jour, un colombien m’a demandé comment on faisait pour prendre une douche chaude en France, « eh ben on tourne le bouton et l’eau coule chaude » et oui, la petite question qui fait mal, parce que lui non seulement il se douche avec un seau, mais s’il veut de l’eau chaude, ben faut qu’il la fasse bouillir, ce qui est sacrément chiant, on est d’accord.


Je n’avais également jamais mesuré à quel point nous avions de la chance, les femmes, d’être françaises. Les droits des femmes sont importants chez nous, nous avons le droit de vote, nous sommes libres et indépendantes, nous pouvons exercer le métier de notre choix, nous avons le droit à l’égalité homme-femme, nous avons droit à la contraception et à l’avortement. Je pense que l’Amérique du Sud est loin d’être le pire endroit au monde pour les femmes et pourtant, j’ai eu pas mal de chocs. Le machisme est ultra présent, il y a des métiers d’hommes et des métiers de femmes… par exemple j’ai demandé à mon guide de montagne péruvien pourquoi il n’y avait pas de femmes guide, réponse « parce que vous n’êtes pas assez fortes physiquement pour ça », QUOI ? je suis convaincue qu’à Chamonix, berceau de l’alpinisme, nous avons de merveilleuses guides de haute montagne. Mon plus grand moment d’émotion fut le 8 mars, pour la journée de la femme, où j’ai assisté par hasard à une énorme manifestation au Chili pour les droits de femmes et notamment pour le droit à l’avortement. Le Chili, jusqu’à très récemment (2016), faisait encore partie des pays qui interdisait totalement l’avortement, même en cas de viol ou de danger pour la mère (oui, oui, on laissait donc mourir des femmes). L’avortement est illégal dans toute l’Amérique latine, à l’exception de Cuba et de l’Uruguay, il est donc assez commun de voir des mineures ou des très jeunes femmes avec des enfants, et souvent mère célibataire en plus. Autant vous dire que le décès de Simone Veil cette année a été suivi d’une émotion particulière.


Nous avons des avantages sociaux qui font rire (ou rêver) les étrangers tellement c’est énorme. J’ai expliqué le concept du chômage à des chiliens et ils étaient partagés entre l’étonnement et l’incompréhension : « pourquoi on vous paie alors que vous ne travaillez pas ? », je ne vous dis pas leurs têtes quand j’ai dit que ça pouvait durer deux ans… Nous pouvons aller à l’école gratuitement, et nous recevons une éducation de qualité. Même l’université ne coûte pas plus de quelques centaines d’euros par an (voire gratuite pour les boursiers), alors que la plupart des jeunes à l’étranger s’endettent pour étudier. Nous pouvons nous faire soigner gratuitement et recevoir des soins de qualité…il y a d’autres pays où c’est gratuit, mais je vous garantis qu’après avoir vu les hôpitaux publics, on est vite tenté de payer une somme astronomique dans une clinique privée. Le droit du travail français est également génial, on est peinard avec nos 35h, nos 5 semaines de congés payés, la sécurité de l’emploi que procure un CDI, nos droits à la formation ou au congé sans solde (ça aussi ça fait rire les étrangers : on peut demander à partir un an, l’employeur n’a le droit de refuser qu’une fois et il doit nous garder notre job pour quand on rentre…). Bref, on râle parce qu’on en veut toujours plus, et on a sans doute raison de continuer à se battre pour ne jamais perdre nos acquis mais il faut aussi se rendre compte de la chance que nous avons !


Et parce que tous les gens qui lisent ça sont probablement français, j’entends déjà les « oui d’accord, MAIS…y a ceci qui va pas, cela qui n’est plus comme avant… » (réponse du français typique qui râle et qui est pessimiste). Alors oui, je sais que tout n’est pas parfait, je sais que la France connait quelques difficultés, je sais aussi que ça pourrait être mieux, mais pour une fois, je veux juste qu’on pense à tout ce qui va bien et tout ce qui est génial (et qu’on y pense plus souvent s’il vous plaît !) !


Moi en tous cas je suis heureuse de retrouver mon beau pays, de pouvoir manger du fromage, une délicieuse baguette et savourer un bon vin. Et de toute façon, même si j’adore voyager, je suis française, je n’oublierai jamais mes racines et je finirai toujours par revenir à un moment ou un autre.


 [ Mythe mélanésien de l’île de Vanuatu ]

Tout homme est tiraillé entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue, c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité.

Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue.


Et voilà, mon aventure en Amérique du Sud se termine, je suis très émue, à la fois triste que ça se termine et aussi très heureuse de rentrer, mais comme je l’avais dit le jour de mon départ : « c’est le premier jour du reste de ma vie » ! On verra bien de quoi sera fait mon futur :)


Un immense merci à toutes les personnes qui ont croisé mon chemin cette année, vous avez rendu cette aventure exceptionnelle !